LES JARDINS PARTAGÉS D'AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
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[Interview] : Une histoire des jardins partagés

Interview de Franck David, co-fondateur de SaluTerre

Découvrez la vidéo ici.

“Paysagiste de formation, Franck David s’est orienté vers des spécialisations en Gestion et Protection de la Nature ainsi que d’Analyses des Systèmes d’Exploitation Agricole. Pendant 10 ans, il développe des projets de jardins d’insertion sociale et familiaux, jardins en milieu carcéral et hospitalier, jardins partagés. Il co-anime le réseau national du « Jardin dans Tous ses États », animant des colloques, séminaires et forums sur le thème des jardins partagés "co-construits avec les usagers”. Puis il fonde SaluTerre, un bureau d’études en ingénierie sociale, paysagère et environnementale (source : horizonalimentaire.fr).

Franck nous partage dans cette vidéo d’une quarantaine de minutes sa perspective sur l’histoire et les valeurs des jardins partagés.

La vidéo commence par un rappel sur l’histoire des jardins partagés en France :

  • 1987 : construction du premier “jardin collectif” à Bordeaux, dont le but était de créer du lien et de la cohésion sociale, mais aussi de s’alimenter différemment.
  • 1994-95 : avec les débuts de la diffusion de cette pratique en France, l’idée de constituer un réseau de jardins partagés émerge, notamment par le biais de la Fondation de France qui voit croître considérablement les demandes de fonds pour de tels projets.
  • 1997 : la nouvelle équipe du “Jardin dans Tous Ses Etats” (JTSE), réseau français des jardins collectifs, part en Amérique du Nord, Etats-Unis et Canada, pour aller à la rencontre du milieu des jardins communautaires. En revenant en France, le JTSE organise un forum intitulé “Les nouvelles natures à cultiver ensemble”. Au programme : la culture du bien-être, des fruits et légumes mais aussi de l’apprentissage collectif. On commence petit à petit à parler de “jardins partagés”, pour décrire les jardins d’insertion, pédagogiques et familiaux de toute nature. Le réseau se consolide.

Puis, Franck David aborde plusieurs sujets de réflexion propres à l’histoire des jardins partagés en France :

Un glissement dans les valeurs du jardinage collectif :

Pour Franck, ce qui rassemblait à l’origine les jardins partagés, était un socle de valeurs fortes, comme une volonté de changer la façon de se nourrir, par exemple. (Charte des Jardins Partagés à découvrir ici.). Cependant, selon lui, ce socle a été dénaturé. En effet, il manque encore du lien entre les jardins partagés et les personnes qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire celles les plus vulnérables économiquement et socialement. Les jardins partagés devraient être plus largement ouverts à tout le monde. De plus, ces personnes vulnérables devraient faire partie intégrante de la construction de ces espaces, des concertations et des discussions.

Selon Franck David, beaucoup de jardins partagés se font plaisir dans une sorte d’entre-soi, un comportement sociologique où l’on ne va pas questionner ceux qui sont autour dans la détresse et ont besoin de s’alimenter. La fonction alimentaire des jardins se perd parce que l’on ne rencontre plus de personnes dans le besoin... Aujourd’hui, le fait de jardiner et s’alimenter soi-même est devenu "ringard". Pourtant, ces personnes fragilisées ont besoin d’ouverture, de contact, de prendre soin d’elles et des autres.

L’agriculture urbaine est loin d’être nouvelle. Avant la révolution industrielle, les villes avaient des formes d’autonomie et de sécurité alimentaire très fortes. C’est après les 30 glorieuses que les ceintures vertes des villes se sont dénaturées. Il suffit de regarder l’importance des maraîchers urbains au XIXe siècle et celle des jardins ouvriers durant les guerres. Les jardins partagés participent à l’agriculture urbaine, mais celle-ci est beaucoup plus large. Il faut que les jardins partagés soient ouverts aux quartiers, aux territoires et à la cohésion sociale. La cohésion sociale, c’est beaucoup plus que le lien social, c’est créer un véritable système. C’est apprendre à bien vivre ensemble et à se comprendre dans la société. Lorsqu’on nous questionne, nous les premiers créateurs de jardins partagés en France, ce sont ces valeurs qui nous tiennent vraiment à cœur.

Les jardins partagés comme bien commun :

Le bien commun s’organise dans des espaces où l’on va se retrouver sans imposer un individualisme. Si l’on crée des jardins exclusivement réfléchis par des spécialistes, ce seront des espaces de voisinage, des lieux de rencontres sans solidarité. A titre d’exemple, on rencontre cette problématique en Pologne et en Allemagne, prouvant à quel point il est important que les jardins partagés ne soient pas fermés mais soient véritablement un espace public. A Varsovie, il existe des jardins familiaux avec plus de 300 parcelles privatives, sans espaces communs et sans lieux de convivialité. Personne ne se connaît vraiment.
C’est pour cette raison que la concertation avec les habitants du territoire est primordiale, le groupe hétérogène va apporter des usages différents, et chacun doit y trouver sa place : c’est cela qui va permettre au jardin d’avoir des multitudes de fonctions.

La démarche doit être socio-paysagère. C’est le collectif qui va permettre de créer le spatial. Si le jardin est créé de manière collective, l’espace permettra d’avoir une forte valeur ajoutée sociale. Mais si l’on ne prévoit que du collectif, les personnes vulnérables ou anxieuses peuvent ne pas y être à l’aise. C’est cette mosaïque d’usages qui va faire que les gens vont se retrouver : chacun y aura sa place. Les enfants avec des jeux, les bacs en hauteur pour les personnes à mobilité réduite, les vergers pour les férus de fruits, le compost pour les cuisiniers... Tout est déclinable pour un fort brassage social, et c’est le fonctionnement collectif qui va le permettre.

Le jardin partagé comme acteur d’un changement social global :

Les jardins partagés, c’est de la solidarité, du bien commun et de l’éducation populaire à la fois. Ces valeurs fortes relèvent aujourd’hui du militantisme politique. Selon Franck David, au temps du Jardin dans Tous Ses États, ils ne se sont jamais questionnés sur le système. Pourtant, aujourd’hui, il faut créer une véritable organisation, du jardin partagé à l’AMAP, au maraîcher, au consommateur... Tout cela doit fonctionner en réseau.

Le jardin partagé est un support, un prétexte pour plein d’autres choses, mais la base doit rester l’alimentation. L’alimentation est un sujet politique : choix de consommation, choix de production, réflexions autour de l’économie, du local, du régime alimentaire… Ce sujet ouvre de nombreux débats et perspectives. Selon Franck David, il faut travailler sur la question de créer des systèmes alimentaires territoriaux résilients, dont les jardins partagés font partie, parmi beaucoup d’autres choses. Il faut mutualiser, ne pas réinventer ce qui existe déjà : l’agriculture urbaine existe depuis bien longtemps. Il faut permettre de croiser la ruralité et la ville par le biais de l’alimentation. Et par le biais de l’agriculture urbaine, on interroge l’écologie, qui elle-même touche tous les domaines qui nous entourent : économie, éthique, environnement, protection, etc.

Il y a énormément de précarité aujourd’hui, de fossés. Tout le monde est touché par une mauvaise alimentation. Il y a donc aussi de vrais enjeux de santé publique. Pourtant, on ne fait plus de jardins nourriciers, on ne cultive plus les légumineuses sèches (comme les pois ou les lentilles qui se conservent dans le temps et ont énormément de valeurs nutritives). Il faut se réapproprier ce savoir-faire et s’interroger sur l’écologie de manière globale.
La permaculture possède cette philosophie, cette démarche qui permet d’ouvrir des portes pour regarder le monde et trouver comment s’enrichir les uns et les autres, mais pas en terme d’argent. Une fameuse permacultrice australienne lui a dit un jour : “Le fumier, c’est comme l’argent : si on l’entasse, ça pue, mais si on l’étale, c’est là qu’il y a toute la richesse.” Pour cela, il faut de la coopération, de la confiance, de la solidarité.

Pour résumer :

Il faut arrêter de vivre les uns à côté des autres, sans se connaître, mais être les uns avec les autres. Il faut se nourrir et mutualiser, et créer de véritables systèmes autour de l’alimentation. C’est là la force des jardins, c’est universel, c’est partager et se nourrir les uns et les autres.

Par ailleurs saviez vous que le mot “paradis” vient du mot persan "pardêz" qui signifie aussi ”jardin” ?

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